dimanche 5 mars 2017

019 - Joburg et Soweto

Gabin est moitié Zambien, moitie Congolais. Il sera notre guide-chauffeur pour cette ultime journée en terre Sud-Africaine. Il laisse traîner un petit accent bien congolais, parle parfaitement le Français, et utilise adroitement les subtilités de cette langue que nous partageons avec un bon nombre de pays d'Afrique. 

Nous partons vers les 8h00 du matin, pour le centre de Johannesburg. Notre route traverse les quartiers chics de la ville, où sont implantées d'incroyables demeures. Ces maisons aux proportions démesurées pour la plupart d'entre elles sont gardées, surveillées, protégées. Des hauts murs, surmontés de barbelés électrifiés, renforcés de systèmes de caméras, témoignent d'un certain besoin de sécurité pour ceux qui logent dans ces quartiers. Nous croisons de nombreuses femmes blondes faisant leur jogging, s'arrêtant pour vérifier sur leurs montres connectées, le nombre de calories brûlées depuis l’ouverture de leur portail électrique sur le monde extérieur. Là, une demoiselle promène une meute de chiens. Ici, deux cyclistes mesurent leurs capacités sportives sur une petite côte. Là encore, un haut portail automatique s'ouvre pour laisser passer un impressionnant et rutilant Suv Mercédes, qui s'éloigne sans provoquer le moindre bruit. Pourtant ce quartier n'est pas exclusivement habité par des blancs, des noirs ayant réussi financièrement, y élisent également domicile. Johannesburg est né de l'or, et ceux qui ont ramassé leur part y vivent plus qu'agréablement. 


Dernière maison de Nelson Mandela où vit encore la famille de sa troisième épouse.



Nous sortons de cette bulle, pour pénétrer un peu plus loin, dans un monde différent : le quartier noir des immigrés des pays francophones. Ici, pas un blanc ne « s'aventure ». Les magasins sont ouverts sur la rue : épicerie de produits du pays, coiffeurs sur les trottoirs, vendeurs de fruits, de poules. Ça bouge, ça discute, ça s'interpelle en Français. Camerounais, Congolais et autres occupent l'espace, en un méli-mélo coloré.
Nous passons, de larges avenues au gazon coupé aux ciseaux, aux abords impeccables et délicatement fleuries, à des rues envahies par les ordures, aux trottoirs défoncés, encombrées de passants et de bruyants véhicules. 



En nous engageant dans le centre ville de Johannesburg, nous retrouvons la ville qui nous avait tant surprise il y a de cela deux jours. Laissés à l'abandon, sans aucune volonté évidente de changement, les anciens boulevards n'ont même pas le charme d'une grande cité. En atteignant le centre financier, nous stoppons pour visiter un immense bâtiment qui s'avère être une banque, et qui recèle en son sous-sol, un ancien passage de mine d'or que l'on peut venir visiter. Cela permet de comprendre comment est née la ville de Johannesburg, au cours de la ruée vers l'or. 



La suite de la visite se fera au gré des événements qui ont ponctué la vie de Nelson Mandela. Nous ne pouvions quitter l'Afrique du Sud, sans comprendre la lutte de Mandela, et suivre son parcours dans son combat face à l'Apartheid. Nous nous arrêtons devant la maison, où il exerça pour la première fois son métier d'avocat. Les vitrines du rez de chaussée racontent à travers textes et photographies le chemin parcouru. Celui qui dès 1952, proclamait « Un jour je serai le premier noir président de l'Afrique du Sud », recevait ici, entre ces modestes murs, les noirs qui avaient besoin d'être défendus. Face au bâtiment, une statue géante représente Mandela en tenue de boxeur, poings tendus, lors de ses combats organisés en prison. Il faut également savoir qu'un autre défenseur de la liberté, lui aussi avocat, est venu exercer à Johannesburg. Gandhi, resta quelques temps dans un petit bureau en centre ville. Une statue, le représentant en jeune avocat, trône au milieu d'un petit square portant son nom. 




Plus loin, nous franchissons le « pont Nelson Mandela, qui enjambe notamment la voie ferrée du train jaune reliant Johannesburg à Soweto. Puis, du haut du toit de l'Afrique "Top of Africa", immeuble de 50 étages, nous pouvons admirer la ville à 360 degrés.

 
Il est presque midi lorsque nous arrivons au musée de l'apartheid. A l'entrée, on vous demande, si vous voulez entrer dans la peau d'un noir ou d'un blanc. Vous êtes libre de choisir. Il y a donc deux accès pour bien vous faire ressentir la différence raciale qui existait au temps de l'apartheid. Les concepteurs du musée n'ont pas voulu faire de ce bâtiment, un lieu triste ou haineux. Ce musée explique l'origine, l'application et la chute et l'Apartheid. Films, reconstitutions, journaux d'époque, tout est réuni ici pour expliquer clairement et sans détours, ce qui s'est vraiment passé. Il est surprenant, voire dérangeant, en tant que blanc, de se retrouver à côté de jeunes noirs regardant les mêmes images que vous. Que peuvent-ils penser de tout cela ? Quels sentiments doivent-ils éprouver en nous voyant à côté d'eux avec notre peau banche et tous les privilèges que cela a entraîné, et entraîne encore aujourd'hui ? De tels lieux de mémoire sont importants, partout dans le monde. Nous déambulons, presque deux heures, dans les bâtiments, avant de rejoindre notre voiture, pour la visite de Soweto.


Symboles de la nation Arc en ciel
Soweto ! A la seule évocation de ce nom, des images de révoltes, violences et répressions surgissent. Mais là encore, il faut être venu à Soweto pour se faire une idée précise. 
Soweto n'est pas seulement un quartier pauvre, bidonville, « town ship ». Soweto, est presque une ville dans la ville, avec ses 5 millions d'habitants, et divisée en trois parties, selon les niveaux sociaux. Il y a d'abord le quartier chic, avec ses petites villas alignées, proprement décorées, dans une atmosphère paisible. De belles et grosses voitures s'y croisent. Le quartier des classes moyennes est composé de maison plus petites, mais l’ensemble reste agréable. Ces deux quartiers sont habités par des gens ayant du travail, et noirs. Il faut savoir qu'aucun blanc ne vit, ni se promène dans Soweto. En toute fin, il y a le quartier pauvre. Un amoncellement de petites cabanes en taules, sans eau, sans la moindre hygiène, où s'entassent des familles, dont le seul revenu vient de la récupération des déchets. Il n'y a aucun revenu minimum en Afrique du Sud. Ces « town ship » deviennent immanquablement le terreau d'une violence urbaine de survie.
Et puis, nous avons découvert le Soweto, beaucoup plus « branché ». A quelques mètres des bidonvilles. Une longue et large avenue, où sont installés, bar, restaurant, galerie d'art, où des musiciens arpentent les trottoirs. Là, les bus déversent les touristes en manque de sensation, qui pourront dire à leurs amis lors d'un dîner à leur retour, être allés à Soweto, comme s'ils avaient caresser le dragon. Nous y croisons un groupe de « Hell Angels », gros Allemands tatoués, bandana sur la tête, enfourchant de grosses « Harleys ». Tout autour, vendeurs de souvenirs se pressent, flairant la bonne journée, face à ces touristes à la peau blanche, et à la banane ceinturée autour d'un petite ventre bedonnant. Apparemment, Soweto est devenu le lieu où il faut aller, et être vu. Il existe même des tours organisés de Soweto à vélo. Mais pas question de s’aventurer dans le Soweto pauvre. Notre guide, en riant, nous dit que si ces gens venaient à y pénétrer, ils en reviendraient nus et sans vélos. Ce quartier « branché » attire également la foule, pour une toute autre raison : la maison de Nelson Mandela. C'est là qu'il s'installa, d'abord avec sa première épouse Evelyn et ensuite avec sa deuxième femme Winnie, pendant qu'il exerçait son métier d'avocat. Cette maison, située en haut du quartier, se visite. C'est une maison construite, sur le principe de la « Boite d'allumette », petite et rectangulaire. 









En sortant du quartier, nous passons devant les deux très hautes cheminées, de ce qui devait être une centrale à charbon desservant Soweto. Mais, les habitants ont vite compris que les fumées de la centrale allaient envahir le quartier. Alors, un jour, ils ont tout détruit, avant la mise en fonction. Aujourd'hui, il ne reste que ces deux hautes cheminées, devenues l'emblème de Soweto, et d'où, la jeunesse « branchée », en mal de sensation, pratique le saut à l'élastique !



Il est presque seize heures, il est temps de rentrer à notre lodge, tout près de l'aéroport. Nous quittons notre guide, avec lequel nous avons beaucoup ri, et profité de cette belle journée. Nos yeux se tournent désormais vers la France, que nous devons retrouver mardi, après un long périple, avion/train.


Texte : HL
Photos : FL

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