mercredi 21 janvier 2015

6 - En route pour Bikaner, nord ouest du Rajasthan


 Texte Henry Lavesque - Photos Hélène Gros, Fabienne Lavesque

Le désert se réveille doucement.
Les premiers rayons du soleil apportent une timide chaleur, encore bien trop faible pour lutter avec la fraîcheur de la nuit.
Nous sortons du désert par une petite piste qui va nous amener à Bikaner. Il nous faudra 4 heures pour faire les 180 kilomètres qui nous séparent de notre destination.

Ce sera notre premier contact avec le monde des Maharadjahs, et leurs palais débordant d'un faste à peine imaginable. Le fort de Junagarh, dont le rempart mesure près d'un kilomètre avec quelques trente sept bastions successifs, sera le premier d'une longue série. Cette solide citadelle s'impose à la ville qui semble blottie contre elle, à l'abri. De cours intérieures en salles démesurées, en passant par de petits salons richement et finement décorés, le fort de Junagarh étire ses palais et temples. Nous y croisons une délégation Sikh, tout de jaune et de bleu vêtue, dont le chef dégage une impression de puissance et de respect, ce qui ne l'empêche pas de se prêter fort courtoisement au jeu des photographies. Ici, les différents Maharadjahs ont laissé leur empreinte, ordonnant des travaux d'agrandissement à chacun de leur règne. L'ensemble architectural souffre d'ailleurs de ces travaux successifs, sans relation aucune, et l'on a parfois un sentiment de labyrinthe, pris dans d'étroits couloirs, et de hautes volées d'escaliers. Les détails de décoration, cependant, ont été pensés avec goût et raffinement, et les artisans ont donné le meilleur d'eux même pour parvenir à une telle beauté. Plafonds en bois ciselés, fresques murales, meubles couverts d'argent, riches tissus aux murs, constituent les atours dont se parent les appartements et salles de réception du fort. De nombreuses photographies d'époque témoignent des fastes de la cour, des défilés colorés au cœur de la ville, et des grandes fêtes offertes par le maître des lieux. Autour de la citadelle, protégé de ses remparts, s'enroule un jardin, dessiné entre de vertes pelouses sagement entretenues, héritage de l'occupation anglaise.
A la sortie du fort, nous sommes aussitôt happés par la circulation indienne. Les tuk-tuks nous frôlent à pleine vitesse, faisant hurler leurs avertisseurs. Les vélos, motos, charrettes, et rickshaw s'engouffrent dans la rue principale du marché, où les voitures n'ont pas accès. De petites calèches nous attendent pour nous faire profiter de toute cette animation. Perchés, et bien à l'abri des bruyantes allées et venues, nous pénétrons le quartier des commerçants de la vieille ville. Un bric à brac bien ordonné s'étale sur les trottoirs, les boutiques s'ouvrent directement sur la rue, et les négociants attendent le client avec une indolence toute relative, prêts à jouer leur rôle à la première occasion. Au coin de la rue, un attroupement joyeux se forme. Ca sent la friture, l'ail, les épices, le sucre caramélisé. Les bras se tendent tenant à bout de mains, là, un petit paquet de délices à la pâte d'amande, ici, un gâteau à la semoule ou un friand fourré aux lentilles, là-bas, une liasse de roupies. Nous nous laissons d'abord tenter par les "namkins", de petits friands salés délicieux et assez "spicy", des samosas et aussi par ces petites bouchées faites avec du lait confit (les "mawa") garnis de pâte d'amendes et orné d'une fine feuille d'argent, spécialité de Bikaner. Un dromadaire transperce la foule, son propriétaire, droit sur sa charrette, harangue les passants pour se frayer une place. Des petits groupes de femmes enroulées dans des robes jaunes, rouges, vertes, évitent les pièges de la circulation, de lourds sacs en toile à bout de bras. Ici, des chaussures, là des fruits, des légumes, des épices, là-bas, des tournevis, des cadenas, des bonnets. Ça piaille, ça discute, ça rigole, c'est matin de marché à Bikaner. Nous ressentons tout cela, et nos calèches éloignées, nous décidons de rester profiter de ce bain collectif vivifiant.

En fin d’après-midi, nous rejoignons notre hôtel, le Lallgarh palace. Cette superbe construction fut le palais du dernier Maharadja de Bikaner qui, après avoir quitté le fort de Junagarh, le fit édifier pour y résider. Aujourd'hui, ce somptueux hôtel est toujours géré par la famille du Maharadjah, qui en occupe une partie.
Sur les pelouses impeccables entourant le majestueux hall d'entrée, une cérémonie se prépare. De nombreux ouvriers s'affairent à monter une estrade, installer des chaises, de confortables fauteuils, poser des décors impressionnants et des lumières dans les arbres : ce sont les préparatifs d'un mariage. Dans la cour intérieure, nous croisons la mariée suivie d'une nuée de jeunes filles hilares. Bien installée dans un moelleux fauteuil, la mariée se laisse bichonner. On lui dessine mille dessins au henné, sur les mains, les pieds, les chevilles. Elle est vêtue d'une belle robe jaune et verte, couverte de lourds bijoux, et semble susciter l'envie de toutes les jeunes filles présentes à son chevet. Le mariage paraît avoir déjà commencé, alors qu'en fait, il n'aura lieu que dans deux jours, cela promet !
Le lendemain matin, nous quitterons ce palais en laissant derrière nous, une cohorte de petites mains, peaufinant les derniers détails de la fête, pour rejoindre la longue route qui nous mènera à notre prochaine étape : Jaisalmer, "la ville dorée" du Rajasthan.

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